Publié le 10/10/2014

Bernard Sarfati, horloger réparateur de quartier

Bernard Sarfati, horloger réparateur de quartier

Propos recueillis par Rémy Dreano.

 

Si les révolutions technologiques comme la montre à quartz ou, plus récemment, la montre connectée, représentent une menace pour l'artisan horloger, rien n'est jamais définitif. Les métiers se décomposent et se recomposent sous des formes parfois inattendues. 

Le métier d'horloger a certes bien évolué depuis les années 70. La tendance est au regroupement d'horlogers-bijoutiers en ateliers, les boutiques se contentant de leur sous-traiter les travaux de réparation de montres de prestige, de nettoyage de pièces au détriment d'ailleurs du tout venant.

Après avoir vu les horlogers de proximité disparaître peu à peu du paysage, certaines régions souffrent maintenant de ce manque. Cette activité artisanale ne devrait donc plus guère décroître, car il y a toujours une demande pour réparer une montre ancienne, une montre haut de gamme, une pendule, un carillon ou pour répondre aux demandes de ré-usinage de micro-mécanismes émanant de collectionneurs ou antiquaires.

Après s'être fortement contractée, l'horlogerie semble à nouveau porteuse pour celles et ceux qui voudraient y venir.

Bernard Sarfati, horloger réparateur de quartier (et plus encore) se veut quant à lui optimiste, mais il pointe cependant la nécessité de relancer la formation en horlogerie.

"Le choix de mon métier n'est pas totalement le fruit du hasard, mon père était lui-même horloger. Plus jeune, je me rêvais en archéologue, mais les conseillers d'orientation voulaient faire de moi un secrétaire, un métier aux antipodes de mon tempérament. Pour finir, ce sont mes parents qui ont pris la décision de me faire entrer à l'école d'horlogerie Pierre Girard (Paris 19ème)".

Une école prestigieuse qui formait jadis jusqu'au BTS électro, micro-mécanique pour l'activité horlogère mais aussi pour l'industrie aéronautique. On y enseignait le dessin industriel, la lecture de plans, les mesures, l'usinage, l'ajustage et le montage de pièces de précision. Une école aujourd'hui reconvertie dans l'enseignement général...

"Je visais plutôt un débouché dans l'aéronautique. Sitôt mon BTS obtenu, j'ai d'ailleurs décroché un emploi dans une PME de l'aéronautique. Je n'ai pas rompu pour autant avec l'horlogerie. Avant de prendre cet emploi, et pour me faire un peu d'argent de poche, j'avais démarché une bonne dizaine d'horlogers de quartier et obtenu de certains qu'ils me confient des petits travaux urgents en réparation horlogère. Même si le travail d'usine n'était pas déplaisant, je ne suis pas resté longtemps dans l'entreprise. Le hasard a fait le reste… C'est le vice-président du Syndicat de l'horlogerie, Monsieur Claude Barrier, qui a alors insisté pour me mettre en rapport avec une grande bijouterie-horlogerie de détail. L'atelier de réparation se situait au sous-sol du magasin et c'est là que ma carrière d'horloger a démarré. J'y suis resté quatre ans jusqu'au jour où la boutique a été cédée. Les nouveaux propriétaires ont alors décidé de licencier une partie du personnel pour placer leurs proches" 

Un licenciement houleux et douloureux qui le pousse à se lancer en artisan indépendant.

"j'avais 28 ans quand j'ai repris cette petite horlogerie de quartier. Je n'étais pas rassuré au départ car la clientèle s'était perdue, la boutique étant restée fermée pendant deux ans. Les deux premières années ont été difficiles mais je me suis accroché et je suis toujours là. Certains clients m'ont suivi et, peu à peu, j'ai pu me constituer ma propre clientèle, des gens du quartier mais aussi des antiquaires, des collectionneurs... Contrairement à certains de mes confrères, j'accepte les petits travaux comme la réparation d'une vieille boite à musique, d'un automate, voire même d'un vieux parapluie. Mais je ressens plus de fierté à faire revivre une horloge que mes confrères ont jugé irréparable. A côté de cela, je fais un peu de gravure et de création en bijouterie à la demande. Il faut être attentif et réceptif à la demande du client et ne pas hésiter à se lancer des défis, c'est ainsi que l'on fidélise une clientèle. Redonner vie à un objet, même sans grande valeur, auquel le client est attaché, ce n'est peut-être pas très rentable mais c'est plus gratifiant...

Un métier à mi chemin entre "psychologue social" et technicien car visiblement, le petit atelier de Bernard ne désemplit pas. Des habitués entrent et s'installent, parfois pour s'épancher sur les petites douleurs de la vie. 

"Il faut dire que ma boutique est un lieu de ralliement pour les habitants du quartier. Il y a du passage…Si l'objet ancien raconte une histoire, alors il faut prendre le temps d'écouter cette histoire…Si cela déborde parfois, j'ai tout le nécessaire de l'horloger pour finir le travail à la maison".

Et c'est aussi parce que notre artisan le veut bien...


"Pour faire ce métier il faut être manuel et minutieux et acquérir le savoir faire, sans oublier la passion nécessaire pour faire carrière"

Malheureusement, le nombre d'école ne cessant de diminuer, le risque est grand de se retrouver devant une pénurie de main d'oeuvre spécialisée. Mieux que ces écoles d'horlogerie grand public qui n'ouvrent que pour satisfaire la curiosité d'amateurs de belles montres et de mouvements complexes, il faudrait plus sûrement inventer l'école d'horlogerie de demain.

 

Bernard Sarfati.  Horloger réparateur

64, bd Soult

75012 Paris