Publié le 01/06/2015

Florence Bolufer : itinéraire d'une comédienne et conseils à ceux qui veulent le devenir...

Florence Bolufer : itinéraire d'une comédienne et conseils à ceux qui veulent le devenir...

Propos recueillis par Rémy Dreano.

 

Pour beaucoup de comédiens, le désir du métier est intimement lié à l’histoire familiale ou à une rencontre importante, un déclenchement qui se produit souvent tôt, comme une évidence parfois…

Pour Florence Bolufer, c’est en chaussant les patins à glace à l’âge de quatre ans que l’histoire commence à s’écrire…

« Dès que je suis montée sur des patins, j’ai su que je voulais faire un métier artistique. A l’époque, mon entraîneur, Jacqueline Vaudecrane, ne formait que des champions. La discipline était militaire et la technique passait avant l’artistique. J'ai donc appris avec elle le goût de la rigueur, mais ce que j'aimais vraiment, c'était exprimer des émotions sur la glace... raconter des histoires. C'est sans doute ce qui a plu à Philippe Pélissier, entraîneur fédéral, qui a voulu m'emmener avec lui à New-York pour me former à la danse sur glace. » raconte Florence. 

 « Il a bien tenté de convaincre ma maman... mais c'était peu après le décès de mon père et elle devait faire tourner seule l'hôtel-restaurant dans lequel je suis née et où j'ai grandi. Je crois qu'à ce moment là, laisser partir sa fille unique, de 13 ans, à New-York était au-dessus de ses forces... J'ai donc remisé les patins peu de temps après. Ensuite, j'ai découvert le théâtre à l'école et les spectacles de fin d'année, je retrouvais enfin une expression artistique... Mais pour ma mère, ce n'était pas une option d'orientation sérieuse, j'ai donc continué à prendre des cours d'art dramatique en cachette…».

Dans ce métier hautement aléatoire, les rencontres peuvent changer le cours d’une vie. Et pour Florence, la rencontre eut lieu, mais pas dans le sens espéré…

« Il y avait ce studio de cinéma non loin de l’hôtel. Les équipes y déjeunaient assez souvent, des comédiens, techniciens et des réalisateurs, connus pour certains. Un jour, un client m’a proposé un casting… Ça partait sans doute d'une bonne intention, mais ce n'est pas un mythe, certains castings sont de véritables traquenards et c'était le cas de celui-là... Heureusement pour moi, quand on vit dans un hôtel et que l’on a un physique, on apprend vite à gérer les situations inconfortables. Je m'en suis donc sortie de justesse avec une belle frayeur et surtout une grande déception. Mais à l'époque, cette expérience a mis un sérieux coup de frein à mon désir d'être comédienne… » confie-t-elle.

Florence reprend alors des études de commerce, travaille un temps dans la restauration et répond un jour à une annonce pour un poste de responsable commerciale en maroquinerie de luxe. 

 « J’ai fortement insisté par avoir ce poste. J’ai dû me montrer convaincante car j'étais jeune, sans expérience et c'était à l'époque un métier d'homme».

Commence alors pour elle une nouvelle aventure. Dix années à sillonner les routes, à former des équipes de démonstratrices dans les grands magasins de France et de Navarre pour le compte de la marque Le Tanneur & Cie, une période de sécurité matérielle… 

« Être commerciale et former des démonstratrices, c’est quelque part un travail de mise en scène. J’ai réorganisé ma passion dans ce travail, une démarche inconsciente«  explique Florence. 

Pourtant, c’est encore le hasard des rencontres qui remet tout en jeu…

« Mon assistante avait une compagnie de théâtre qui jouait Lysistrata, une pièce d’Aristophane et elle me proposait le rôle de "Réconciliation"…tout un symbole !… Je gagnais bien ma vie, j’avais une reconnaissance sociale et mon patron me proposait une promotion qui consistait à travailler avec Inès de la Fressange, il y avait de quoi hésiter… J’ai pris un vol pour une île déserte pour réfléchir. Une avarie technique a transformé ce vol en cauchemar, tous les passagers ont paniqué, j'ai cru mourir. Je me suis dit alors que si je m’en sortais, je quitterais mon job pour devenir comédienne... J’ai donc joué «Réconciliation» et quel plaisir ! C’est devenu pour moi une évidence... » raconte-t-elle.

Pour se donner les moyens de ses désirs, Florence fait valider ses acquis et s’engage dans une double reconversion. La journée, elle prépare un DESU bilan de compétences à l’Université de Nanterre et le soir, elle découvre, apprend et affine son art dans un cours professionnel, l’Atelier Philippe Naud. S’ensuivront d’autres rencontres avec des réalisateurs et leurs projets, dans des stages d'acting, des festivals (Aubagne, Cognac, Clermont-Ferrand…), qui sont autant de viviers de rencontres avec des auteurs, comédiens, réalisateurs et producteurs… Elle est sollicitée pour tourner dans de nombreux courts-métrages et en parallèle, elle coache des salariés en évolution de carrière.

En 2003, après un succès dans «Le souffleur» au festival d'Avignon, elle part quatre semaines sur l’île de la Réunion pour incarner un des rôles principaux du premier long-métrage de Pascal Singevin (la Société). Elle apparaît dans quelques séries comme «Fabien Cosma», «Alice Nevers, le juge est une femme», «Clara Sheller», et plus récemment dans «les Témoins» d’Hervé Hadmar.  On a pu également la voir dans l'adaptation théâtrale de «Crime et Châtiment» à l'Epée de bois ou dans «Trahisons» de Harold Pinter, en tournée en France.

« Le métier de comédien est incertain, aléatoire et il faut des années pour tisser sa toile. Il y a des périodes, parfois longues, où l’on ne travaille pas. Soit on se lamente, soit on agit… En tout cas, il faut travailler sans relâche. Pour celui qui recherche la stabilité financière et qui a peur de l’inconnu, ce n’est pas le métier qu’il faut » affirme Florence.

Pour elle, le comédien en herbe doit d’abord penser à subvenir à ses besoins, se nourrir, se loger et payer ses cours, l’idéal étant de pouvoir acheter au plus vite son appartement. Il vit souvent de figurations, de petits jobs dans l’événementiel, hôte ou hôtesse ou dans la restauration comme extra, une économie à géométrie variable…

« Occupe-toi ensuite de l’artiste qui est en toi, va au théâtre, regarde des films, développe ton goût et forme toi ! » lance Florence.

Et pour cela, elle veut bien distiller quelques conseils…

« Il y a beaucoup de façons d’aborder ce métier et beaucoup de portes d’entrée, tout dépend de l’âge… Quoi qu’il en soit, c’est un marathon qui vous attend. On commence par choisir son école. Quand on est jeune, c'est bien de viser le Conservatoire (CNSAD) ou le Théâtre National de Strasbourg (TNS). Ce sont les meilleures écoles parce que l’on ne fait que cela, on en croque toute la journée… C’est un concours ultra sélectif et il y a très peu de places…».

Et si les écoles de comédie ont fleuri un peu partout ces dernières années, elles sont de qualité inégale.

« Le bon cours c’est là où tu es bien… Je conseillerais autant que possible de tester avant de signer. Il faut se montrer curieux, rencontrer des élèves avant de s’inscrire et leur demander ce qu’ils pensent de leurs intervenants…Mieux encore, les rencontrer pour se faire son propre avis et, quand c’est possible, faire un cours d’essai ou un stage. Avec une formation de 9 heures par semaine pendant trois ans, on acquiert de bonnes bases ».

Ce que Florence ne dit pas par modestie, c’est qu’elle enseigne elle-même à l’Atelier Ciné-Théâtre à Paris, un cours de grande qualité qui n’accueille que 25 élèves par an, ceci pour permettre d’individualiser au mieux les enseignements. On y apprend aussi à gérer sa carrière, à trouver son «employabilité» et cerise sur le gâteau, on y travaille la fameuse bande-démo, aussi importante que la photo pour convaincre un réalisateur ou un directeur de casting. 

«Un comédien qui parle parfaitement l’anglais a plus de chances de travailler, c'est sûr... Il y a tellement d’acteurs, près de 10.000 sont inscrits chez des agents… Quoi qu’on fasse, on n’est jamais sûr de travailler. Pris ou pas pris, on ne contrôle pas, il faut être là au bon moment et être prêt. Il est vrai que ce métier est instable, périlleux, confrontant...Et il est aussi d'une infinie richesse...il nous fait aller à la rencontre de nous-mêmes pour connaître et incarner l'autre. Il nous ouvre au monde et nous pousse à devenir de meilleurs humains...» lâche-t-elle avec un grand sourire.

et Florence de délivrer un dernier conseil pratique pour ceux qui veulent faire de l'image :

«Participez à des courts métrages !. Vous y expérimenterez et affinerez votre art et vous y ferez des rencontres.. et qui sait ? parmi ceux que vous croiserez, il y aura sans doute les réalisateurs et équipes techniques de demain… »

Avec son compagnon, comédien également, les projets ne manquent pas. Tous deux se projettent loin devant, car ils savent mieux que d’autres ce que la carrière peut avoir d’éphémère… 

 

*Le site « coursavenue.com » liste les écoles et donne des appréciations d’élèves.