Publié le 08/09/2015

Fabien Guettard, apiculteur de raison

Fabien Guettard, apiculteur de raison

Propos recueillis par Rémy Dreano.

 

Si la production de miel français a considérablement chuté passant de 32.000 tonnes en 1995 à 10.000 tonnes aujourd’hui, les causes continuent d’alimenter la controverse.

Ces dernières années, la presse se fait régulièrement l’écho des sévères effets négatifs de pesticides comme le Cruiser ou le Gaucho sur la santé des abeilles.

Certaines régions sont plus affectées que d’autres. C’est le cas de Midi-Pyrénées qui a connu en 2014 une année noire avec des cheptels décimés à 90%. Ces néonicotinoïdes, qui agissent sur le système nerveux des abeilles, sont considérés par certains comme la principale cause de mortalité des abeilles.

Pour Fabien Guettard, agent dans une communauté de communes, les pesticides ne sont que la partie émergée de l’iceberg. 

“C’est vrai que ces trois dernières années ont été difficiles pour les apiculteurs mais on ne peut pas imputer cette baisse de production aux seuls traitements agricoles. Sinon, comment expliquer que nos ruches se portent bien et soient aussi productives ?"

Pour lui, s’il est difficile d’établir des responsabilités de façon claire, on ne ne doit pas s’arrêter à ce simple constat.

“Certes, les mauvaises conditions climatiques peuvent jouer. Un hiver trop rigoureux ou encore, l’arrivée du varroa (un acarien qui parasite les abeilles) dans les ruches, c’est toujours un problème pour l’apiculteur. On parle également du frelon asiatique. Il est arrivé dans l’Yonne mais cette année, on ne l’a pas vu…”

Et Fabien de pointer les comportements irresponsables de certains confrères qui poussent le bouchon trop loin en prélevant sur la ruche ce qui devrait être normalement laissé aux abeilles pour leur propre nourriture.

“Toucher au corps d’une ruche n’aboutit qu’à fragiliser la reine et, par conséquent, la colonie. Certains apiculteurs font aussi venir des reines d’Italie ou d'Australie qui ne sont pas faites pour vivre sous nos climats. Certaines sont d’ailleurs porteuses d’acariens. Au départ, elles sont censées être plus productives mais au final, elles font des colonies moins viables”

 

Pour Fabien, cette apiculture intensive est tout aussi néfaste que les insectides et les prédateurs de l’abeille.

“L’apiculture, c’est 60% de technique et 40% d’observation. Nous récupérons des essaims sauvages, le plus souvent auprès de particuliers qui nous sollicitent. Nous ne travaillons qu’avec des souches autochtones. L’important est de les récupérer dans les premiers jours. On procède ensuite par division pour créer de nouvelles colonies. L’emplacement des ruches est déterminant également. Les abeilles ont besoin d’une diversité de pollen (acacia, ronces, …) et d’eau, ce que l’on a tendance à oublier…On ne peut pas se contenter de monoculture. Sur le local, nous ne sommes pas trop impactés par les insecticides. Il y a de la forêt et des cultures à proximité. Cette année, nos abeilles profitent d’une culture de sainfoin, une plante très mellifère” 

Une apiculture durable et raisonnée qui présente bien des similitudes avec certaines pratiques nouvelles en viticulture…

“Cela demande plus de travail, c’est clair. On surveille au plus près l’état des ruches et de la colonie. L’abeille autochtone étant plus résistante, les traitements naturels contre les maladies suffisent et on peut éviter les compléments alimentaires. L’hiver, on se contente de mettre des grilles à l'entrée des ruches pour les protéger de l'intrusion de souris et on les laisse tranquilles..."

Si pour Fabien, la quantité annuelle de miel produite tient plus d’une apiculture de loisir, l’exigence est la même, car l’on ne s’improvise pas apiculteur du jour au lendemain. Que l’on soit professionnel, semi-professionnel ou amateur, les coûts sont les mêmes, toute proportion gardée. Le matériel s’use vite. C’est le cas des cadres à l’intérieur du corps de ruche qui doivent être changés au quart chaque année. Pour l’heure, les revenus sont investis dans l'achat d'un matériel plus performant.

Mais l'analyse ne s’arrête pas là…notre apiculteur a une autre explication pour cette chute de la production.

“Jadis, chaque village comptait trois à quatre apiculteurs. L’activité est aujourd’hui vieillissante et il faudrait que les jeunes s’y intéressent. Souvent, une simple piqûre d’abeille suffit à les dissuader d’y venir. Pourtant, le miel se vend bien sur le local et il y a des places à prendre…”

En tout cas, pour Fabien … cela reste une longue histoire de famille. Son arrière-grand père, son grand-père et son oncle Gérard avaient des ruches et vendaient leur miel sur le local. Ce sont eux qui l'’ont initié. 

D'ailleurs, son oncle expérimente actuellement les effets du venin d’abeille sur un genou rhumatisant. On dit qu'il aurait des propriétés thérapeutiques pour soulager la douleur...

Autant de bonnes raisons de protéger nos amies les abeilles et de veiller à leur santé….

 

Guettard Apiculture

27, rue Paul Bert

89270 Vermenton