Publié le 03/10/2016

Luc Tesson, dessinateur de presse et illustrateur

Luc Tesson, dessinateur de presse et illustrateur

Propos recueillis par Rémy Dreano.

 

« On me dit parfois que j'ai fait de ma passion mon métier. Je réponds que c’est un métier comme un autre, qui a sa part de routine... Il y a des travaux qui tiennent plus de la corvée et des jours où l’on se verrait faire un peu autre chose...» prévient Luc Tesson.

« Même quand le travail se fait plus ingrat, cela reste du dessin. Quelle que soit la commande, elle vous donne au moins l'occasion de progresser, de se renouveler un peu… Aujourd'hui, j'arrive à un stade où il m'est permis de choisir un peu plus mes projets, mes clients... Mais quoi qu'il en soit, travailler sous contrainte en saisissant les opportunités qui se présentent est une excellente école.»  

La spécialité de Luc Tesson est le dessin en direct auprès des entreprises. Il y consacre 80% de son temps, le reste se répartissant entre l’édition et la presse magazine.

« J’ai toujours beaucoup dessiné, mais on a vite fait de tourner en rond si l'on ne soumet pas son travail au regard critique des artistes confirmés ou des professeurs de dessin. Dessiner, ce n'est pas recopier des photos ou des mangas… et, au fond, on n'a pas tant besoin d'apprendre le dessin que d'apprendre ce qu'il n'est pas" affirme Luc.

Bien que passé par une école réputée, Luc ne tient pas à en faire la publicité. Pour lui, les écoles les plus en vue ne sont pas forcément les meilleures. Quelques bons professeurs suffisent à dérouiller un talent qui somnole.

« Il y a certes de bons professeurs dans ces écoles, mais il y a aussi beaucoup d’esbroufe… Avoir un professeur très académique est préférable à bien des égards. Faire du croquis, travailler la technique, c’est une nécessité. Ce qui est dommage, c’est que, même dans une bonne école, on ne voit pas le maître travailler » regrette-t-il.

Pour Luc Tesson, l’idéal serait à trouver dans la relation maître d’art/apprenti comme dans l’atelier de lutherie.

« L’enseignement dans les écoles est assez désincarné. Apprendre au côté du maître, c’est voir le geste, imiter le geste, puis se l'approprier... »

jusqu’au jour où l’élève est prêt à voler de ses propres ailes…

« J’ai commencé par croire que j’allais devenir illustrateur. J’ai mis un peu de temps avant de trouver mes marques. J’ai frappé à toutes les portes…» 

Mais, aujourd’hui, un professionnel des arts graphiques peut difficilement se passer d’un site vitrine. Dans ces métiers, la visibilité est essentielle…

« C’est ce que j’ai le plus travaillé au début. L’exercice est ambigu car, on doit montrer suffisamment de son travail et faire en sorte d’éviter que vos dessins ne soient pillés. Après ça plait ou ça ne plait pas. Si votre téléphone sonne, c’est plus souvent pour discuter d'un projet.." 

C’est l’APEC qui lui fait signer son premier contrat, une collaboration pour le magazine Courrier Cadres.

« La directrice artistique, qui était chargée de remanier le journal, avait vu mon site web. La collaboration a débuté en 2000. J’y ai tenu une petite rubrique humoristique hebdomadaire » explique Luc.

« Je me suis assez bien retrouvé dans le dessin de presse. On fait passer énormément de choses par cette lucarne. Toutefois, il faut veiller à ne pas tomber dans le registre du café du commerce » prévient-il.

Pour Luc, le travail du dessinateur de presse consiste à capter les petites choses qui doivent être signifiantes pour l’entreprise et tenter de les restituer par le dessin. Attentif à l'actualité, à celle de ses clients, le dessinateur en direct croque et illustre les propos des intervenants. Un dessin qui se veut tantôt poétique, tantôt tendre et léger, souvent drôle mais sans grossièreté, ni vulgarité. Un humour qui se conjugue aussi avec humanité.. Rien à voir avec la culture de la dérision qui sévit dans certains médias…

 

« Cette culture de la dérision a un côté affligeant. Outre qu’elle nous fait du tort, la dérision ça n’a rien à voir avec l’humour… L'humour suppose une certaine humilité... La dérision, c'est quelque chose d'assez systématique et de pas très sain. Petit à petit, à force de participer à des séminaires, j'ai acquis une vraie connaissance de l'entreprise et un intérêt pour le management, l'innovation, qui ne sont pas feints... J'en retire une bonne crédibilité auprès des services RH, des organisateurs de congrès et de séminaires, des agences d’événementiel..."

C’est en 2006, à la Cigale, qu’il donne ses premiers dessins en direct. L’expérience est stressante mais enthousiasmante. Peu après, il est contacté par Dassault Systèmes.

« Cela vous amène de facto à travailler avec des grands groupes…»

Une collaboration avec le monde de l’entreprise qui n’a cessé de s’approfondir et de s’amplifier au fil des années, comme le montre la bio de l'artiste. 

« Je dessine en direct dans les séminaires d’entreprise. Il y a dans ce travail une part d'anticipation... Improviser, cela ne s’improvise pas…On ne découvre pas tout sur place le jour du séminaire. On creuse en amont, on cherche à connaître l’actualité de l’entreprise, à comprendre ses problématiques et surtout à bien cerner les enjeux du séminaire…

Tel l’interprète de conférence, le dessinateur de presse en direct se prépare bien avant pour être prêt le jour J.

Un séminaire, c’est toujours un gros stress...Interdiction de se rater...alors il faut bosser le sujet, bien se préparer. Il y a des séminaires où l'on va vraiment au fond des choses, d'autres restent "très techniques"…Certains autorisent une grande liberté de ton, d'autres sont plus institutionnels et mon travail consiste alors à faire passer les grands messages de l'entreprise…" explique Luc.

En tout cas, un travail sur l'humour, plutôt oxygénant, et qui fait sens dans des organisations qui ont besoin assez souvent de recréer synergie et cohésion autour de valeurs et de nouveaux objectifs. 

“Si, dans mon métier, le talent se travaille dans la solitude, c’est dans le monde de l’entreprise que se forge le caractère. Je dois beaucoup à l’entreprise. J’ai d’ailleurs beaucoup plus de liberté à travailler avec elle qu’avec la presse écrite. J’ai quand même quelques clients réguliers dans le journalisme, une certaine fidélité que je garde avec un ou deux titres”.

 Et de donner pour finir quelques conseils à ceux que le métier intéresse…

“Il ne faut pas partir dans ce métier avec des idées trop arrêtées. On peut commencer par être un peu infographiste, avant que le dessin ne nourrisse son homme. On peut aussi se tourner vers le dessin d’animation, le storyboard... En fait, il faut se laisser guider par les commandes, les opportunités, quitte à devoir prendre un boulot alimentaire à côté. Je suis toujours un peu inquiet pour ceux qui partent bille en tête sans être capable de composer avec le réel et ce qui se présente au jour le jour...On peut se fixer un cap, mais il faudra être prêt à tirer quelques bords et y aller par de nombreux détours qui seront sans doute plus intéressants que l'itinéraire qu'on s'était fixé au départ.

Luc Tesson : Dessinateur de presse - Illustrateur

Son site : http://www.dessinateurdepresse.com