Publié le 21/11/2016

Les secteurs qui recrutent. 2/3 : La maroquinerie de luxe

Les secteurs qui recrutent. 2/3 : La maroquinerie de luxe

Par Rémy Dreano.

 

Saint-Pourçain-sur-Sioule, Semur-en-Auxois, Montbron, Sayat, Lezoux, Fougères, Bort-les-Orgues, Issoudun, Héricourt, Les Abrets, Puzauges, Rémalard, Segré, des noms qui résonnent plus comme une vague réminiscence de la "colo de vacances" d’antan, des villes que nous serions bien en peine de situer sur une carte Michelin.

Seulement, qui sait que dans la première, le groupe Louis Vuitton (LVMH) y emploie près de 600 ouvrières en maroquinerie et, que dans la deuxième, 800 petites mains ultra-qualifiées s'affairent pour le compte de Chanel, Hermès et encore Vuitton ? Pourtant, on pourrait traverser ces villes de campagne sans même apercevoir l’ombre d’un atelier-usine. Il faut croire qu'ils cultivent cette discrétion à dessein, ce qui leur vaut, mais pas seulement pour cela, de travailler pour les grands noms du luxe...

De grandes maisons pour qui, d'ailleurs, la délocalisation est encore un sujet tabou, mais qui, pour des raisons de stratégie évidentes, se doivent de maintenir une certaine idée du luxe à la française. C’est pourquoi, à l’image de Chanel, la tendance est de produire exclusivement en France...

Il est vrai que dans notre monde ultra-connecté et ultra-concurrentiel, le moindre écart se paye cash. Le célèbre maroquinier Le Tanneur a lui-même payé assez cher pour s'être fait pincer à délocaliser sa production dans des pays à bas coût. D'autres la jouent sur le fil du rasoir qui sous-traitent partie de leur production en Roumanie ou au Portugal, se contentant d'assembler en France ou en Italie. Le plus souvent, la fashionista japonaise ou chinoise pense avoir acheté un produit issu à 100% du savoir-faire tricolore. Or, comme on le voit, un mauvais buzz sur le web peut vite défaire une réputation, quand bien même solidement ancrée dans l'histoire de son art...

 

L’idée est de s’appuyer pour commencer sur les petits ateliers qui perpétuent le savoir-faire maroquinier à l’image de Moynat, un des plus anciens malletiers, racheté par LVMH en 2010. Pour ce faire, les maisons de luxe rachètent les ateliers ou passent des contrats d'exclusivité avec leurs sous-traitants. Ces petits ateliers, souvent ancrés au coeur de bassins d’emploi défavorisés, offrent une main d'oeuvre somme toute assez compétitive, d'autant que le prix sur l'étiquette n'a jamais été l'ennemi du luxe. Le malletier Louis Vuitton est lui-même présent à Issoudun dans l’Indre, un bassin ouvrier peu diplômé.

 

Pour faire face à la demande étrangère, asiatique notamment, la maroquinerie de luxe compte donc plus que jamais sur ces petites mains expertes. 

Fort de cette croissance solide, Hermès a inauguré l'été dernier deux nouveaux ateliers de production, le premier à Montbron en Charente, l’autre aux Abrets en Isère. La Franche-Comté devrait bientôt accueillir, après celui de Héricourt ouvert récemment, un autre site de production d’Hermès en 2017 (prévu à Allenjoie).

Pour autant, trouver du personnel qualifié pour tenir les cadences tout en maintenant l’exigence de qualité n’est pas chose aisée…

 

C’est pourquoi, la présence d’Hermès, de Repetto et du sellier CWD en Dordogne ont justifié la création d’un Pôle d’excellence du cuir et du luxe à Thiviers, plus connue comme capitale du foie gras en Périgord vert. On y formera également des demandeurs d’emploi..

L'année 2016 a été particulièrement fertile, puisque c’est au tour de Longchamp (850 salariés) d’annoncer l’implantation d’un nouvel atelier-école à Pouzauges près de Cholet. (ouverture prévue en 2018). Longchamp étant déjà implanté à Segré en Vendée et à Rémalard dans l’Orne, cet atelier-école viendra s'ajouter à ceux déjà existants d’Ernée et de Château-Gontier en Mayenne. 

 

Comme on le voit, l'effort de formation est assez partagé. Et pour ces petites villes, c'est tout bénéfice car l'essor de la maroquinerie profite à l'économie locale et à la revitalisation des bassins d'emploi. 

 

Là où l’on produit en maroquinerie, on recrute pour l’heure activement, a priori jusqu’en 2018. On forme aussi sur site pour permettre à des femmes, issues de professions sinistrées, de se reconvertir. Sur le local, Pôle emploi fait souvent office d'agent pré-recruteur. Pour recruter ces futures petites mains, c'est la Méthode de Recrutement par Simulation (MRS) qui est privilégiée. Ces métiers de précision exigent un solide apprentissage avant de se mettre à l’ouvrage. Un contrat de professionnalisation impliquant une bonne école ou une formation sur site, c’est au moins l'assurance d'acquérir un vrai savoir-faire et de vivre au pays. 

Aux téméraires doués qui seraient tentés de créer leur propre marque (après une solide formation bien sûr), nous suggérons de tenter d’abord un concours de jeunes créateurs et de rejoindre ensuite, dans la mesure du possible, un incubateur. 

 

Prochain sujet :  Jeu vidéo et cinéma d'animation