Publié le 17/01/2017

Les secteurs qui recrutent 3/3 - Film d'animation - Jeu vidéo

Les secteurs qui recrutent 3/3 - Film d'animation - Jeu vidéo

Par Rémy Dreano.

 

Le film d'animation et le jeu vidéo à la française, c'est un peu la success-story du moment.

On en parle comme si tout cela s'était fait naturellement, sans sueur, sans larmes, mais c'est pourtant loin d'être le cas. Auparavant, il a fallu ensemencer, faire naître des écoles, fédérer les énergies et les talents et lever bien des obstacles à l'émergence d'une filière…

Et pour que la filière devienne créatrice d'emplois, il faut aussi que tout se mette en place et que la récolte soit favorisée par un bon climat ambiant...

  Cinéma d'animation

Depuis le succès de Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot (1998), il s'est passé bien des choses dans le petit monde des studios. A l'époque, le Plan image de 1983 commençait tout juste à produire ses effets et les petits studios vivotaient plus souvent dans l'ombre des géants américains et japonais. Pourtant, en dix ans, tout a bien changé et la progression des embauches est spectaculaire (+ 50%). Une réalité confirmée par Marc Jousset, producteur et co-fondateur du studio d'animation Jesuisbiencontent, un studio indépendant qui a travaillé notamment sur le film d'animation franco-belgo-canadien "Avril et le monde truqué, tiré de l'univers du dessinateur Tardi.

"Nous constatons effectivement une pénurie de professionnels. il est vrai qu'on produit beaucoup actuellement. L'animation se porte bien, le marché évolue et c'est tant mieux, malgré une année difficile sur le long métrage..."

Dans ces métiers, les équipes peuvent vite grimper de manière exponentielle. C'est le cas quand on travaille sur une grosse production de long métrage. 

" En ce moment, notre effectif tourne autour de vingt salariés, mais lorsque nous étions sur le projet de Tardi (18 mois de fabrication), nous sommes montés jusqu'à cent. Nous avons du pousser les murs et ouvrir un nouveau local. En dix ans, l'activité a progressé, on est passé de petit à moyen studio"  explique Marc. 

Chez Jesuisbiencontent, le travail ne manque pas, mais si produire est toujours une bonne nouvelle, c'est le succès qui est recherché...

"Avril et le monde truqué a déjà obtenu des prix à Annecy (Cristal du meilleur film), ainsi qu'à Zagreb et Lisbonne. Il a été nommé au César 2016 en catégorie meilleur Film d’animation de long métrage"… mais la compétition se joue aussi dans les salles et il arrive aussi que l'actualité joue un mauvais tour.

"Face à nous se dressent les blockbusters des gros studios américains. On vient en 2ème ou 3ème choix... Souvent, les films sortent en même temps et les salles n'ont pas la place pour tout programmer. De plus, "Avril et le monde truqué" est sorti une semaine avant les attentats de Paris de 2015. Des cinémas ont été fermés et les gens ne sortaient plus. Ce n'est jamais bon pour lancer un film. Bien sûr, on peut se rattraper après, mais c'est toujours un coup dur" regrette Marc.

En tout cas, l'engouement pour le film d'animation est bien là. Le 1er Festival international du film d'animation d'Annecy qui affichait 900 accréditations en 1983 en compte dix fois plus aujourd'hui et la Citia (Cité de l'image en mouvement), une pépinière qui favorise l'émergence de futurs talents, a fêté ses dix ans récemment. Et aujourd'hui, la France peut se targuer d'avoir des écoles et des studios reconnus dans le monde entier.

Si l’industrie française du film d’animation est devenue aussi compétitive et dynamique au niveau international, elle le doit autant à la qualité de ses écoles, comme Les Gobelins, La Poudrière, Georges Melies, Emile Cohl qu’à son système de soutien public à la production (CNC). Et c'est justement un soutien récent qui devrait contribuer plus encore à débloquer la situation. Il fallait notamment pousser à la relocalisation de certaines activités comme le coloriage, assez souvent sous-traité en Asie. Dorénavant, les films tournés en langue étrangère sur notre sol pourront bénéficier du crédit d’impôt cinéma, tant que l’animation, la 3D, les effets spéciaux, sont réalisés dans nos studios. 

"C'est une très bonne chose. Cela va permettre de relocaliser des productions, sans compter que les aides du CNC contribuent aussi au saut qualitatif" observe Marc.

Preuve de sa qualité, le dessin animé français réalise 33% de son chiffre d’affaires à l’exportation. Malgré cela, le cinéma d’animation français reste un petit monde qui fait vivre moins d’une centaine de TPE, à caractère artisanal, et guère plus de 5.000 salariés (dont 80% d’intermittents). Des sociétés, concentrées pour l’essentiel en Ile-de-France, en Poitou-Charentes, ou encore dans les Hauts de France et qui ne pourraient survivre sans ces aides du CNC aux longs métrages et à l’animation télévisuelle. 

Dans le nord par exemple, se trouvent des studios comme Tchak, Les Films du nord et surtout Ankama, ainsi que des écoles comme l’Esaat et IIID à Roubaix. Du côté d’Angoulême (16), connue surtout pour la bande dessinée, on s'est doté d’un Pôle image sur le cinéma d’animation et le jeu vidéo, propice à l’installation de nouvelles entreprises sur le bassin et à une meilleure synergie entre-elles. Cette réalité géographique n’est pas un obstacle à l’émergence de studios dans d’autres régions. 

Pas étonnant donc que des studios américains, qui connaissent l'excellence de nos formations, viennent, comme Pixar, chasser les talents jusque dans nos écoles et même produire chez nous. Les chaînes françaises de télévision ne sont pas en reste qui sont les premiers diffuseurs des productions hexagonales. Elles s’intéressent particulièrement à l’adaptation de bandes dessinées à succès pour conquérir un nouveau public. L’adaptation de l’univers du dessinateur Tardi (Avril et le Monde truqué) en est l’illustration.

Aujourd'hui, les studios ne se limitent plus à la production de courts-métrages comme à leurs débuts. Ils se lancent dans le long-métrage, le documentaire. On fabrique aussi de l'image animée pour la publicité, la télévision (clips d'artistes), la communication des entreprises (films d’entreprise, communication externe ou interne). La concurrence pousse à cette diversification, car pour garder ses meilleurs éléments, il faut aussi donner des gages de stabilité dans l'emploi.

Tout cela participe à la bonne tenue des embauches. Toutefois, contrairement au jeu vidéo où l’on recrute assez souvent en CDI, c’est l’intermittence (CDD d’usage) qui est la règle dans le cinéma d’animation. De ce point de vue, les aides du CNC ont aussi permis de mieux payer les professionnels.

Si les débouchés sont là, il faut d'abord avoir un fort niveau en dessin et ensuite se former, bien se former… et ce n'est pas donné. Méfiez-vous des belles plaquettes et de sites web qui clignotent. 

Jeu vidéo

L’année 2016 est venue confirmer la bonne tendance (+ 5%) et les offres d’emploi se font plus nombreuses. Le crédit d’impôt n'est pas pour rien dans ce redressement. Il était temps de remédier à la situation car nos concurrents canadiens et américains bénéficient depuis longtemps de généreuses aides fiscales en R&D permettant à leurs entreprises de produire à 25% moins cher qu’en France. Le gap est maintenant réduit, sinon comblé.

Dans ce contexte, le marché hexagonal du jeu vidéo tire autant profit du Fonds d’aide au jeu vidéo (FAJV) destiné à l’innovation que du crédit d’impôt, sans compter l’intérêt croissant du jeune public et l'effervescence autour des nouveautés technologiques.

Les consoles actuelles séduisent les gamers et les commandes de jeu vidéo sont en constante augmentation, notamment dans l'e-Sport, en lien avec la croissance du streaming, à l'heure des compétitions en ligne. Il suffit de se rendre en octobre au Paris Games Week pour s'en convaincre.

Les jeux d’aujourd’hui proposent, il est vrai, des graphismes du plus en plus proches du réel et l'industrie du divertissement lance sans cesse de nouveaux jeux. Avec la dématérialisation, on achète de plus en plus à distance.

Comme le film d'animation, le jeu vidéo hexagonal reste une référence au plan mondial pour ses jeunes talents et l’excellence de ses écoles, comme l’Enjmin ou Rubika. Pour autant, les entreprises jeu vidéo, ce sont aussi des TPE, de jeunes studios qui tentent d’exister au côté de géants comme Ubisoft et qui peinent à trouver des investisseurs et des distributeurs pour se développer.

En attendant, la France du jeu vidéo conforte sa place de numéro 3 derrière les Etats-Unis et le Canada. Les studios embauchent des informaticiens (développeurs), des infographistes 2D et 3D, des game designers, des compositeurs, des sound designers et des geek créatifs. Ces dernières années, beaucoup de formations sont apparues sur ce segment. La crainte, c'est de voir des bouchons se former sur la route qui mène à l'emploi.

Quelques écoles

Jeu vidéo : Isart Digital Paris, Supinfogames Rubika Valenciennes, Gobelins, ESAV, EICAR (écriture scénarisitique), ESEC, Créajeux Nîmes, Pôle IIID Roubaix, ENJMIN Montpellier, ARIES Grenoble, Emile Cohl lyon, LISAA, Université Lyon 2 GamagoraBellecour Lyon, IIM La Défense… 

Cinéma d’animation :  Ecole Georges Mélies Orly, La Poudrière Bourg-les-Valence, ESMA Montpellier, ECV Bordeaux, Nantes, Paris, Lille, Aix, 3ISIIM La Défense, Mopa Arles, Les GobelinsEnsad Paris, Emile Cohl Lyon… 

Quelques studios

Game : Ubisoft, Arkane Studio, Quantic Dream, AnkamaFolimageAudiogaming, Krysalide, EA, FAbzat, TeamTo, Focus homeAsmodee, Cyanide, Novaquark, Kobojo, EnigamiGameloft

Cinéma d’animation : Ankama, Xilam, Normaal, Samka, Films du nordMikros imageTat studio, Jesuisbiencontent, Tchak, Cube créative, 2D3D Animation, Studio Redfrog, Studio HariMarlou films,Tat Productions

Jesuisbiencontent

35 rue du Faubourg Poissonnière 75009 Paris

http://www.jsbc.fr