Publié le 10/05/2017

Ils ont créé leur entreprise (3) : H2B, le gin des marins bretons

Ils ont créé leur entreprise (3) : H2B, le gin des marins bretons

Propos recueillis par Rémy Dreano.

 

On recense près d’une trentaine de producteurs de gin en France.

Le marché est en pleine évolution et la jeune génération a décidé de donner des coups de pied dans le tonneau, histoire de remettre au goût du jour les spiritueux, avec des idées nouvelles et des produits de qualité, made in terroir.

L’histoire d’H2B a débuté il y a deux ans, lors d’une virée en bateau dans le golfe du Morbihan. Henri Goldschmidt, 26 ans et Bertrand de Lantivy, 48 ans, sont tous deux propriétaires d’un bateau. Le premier termine un master en commerce des vins et spiritueux et le deuxième travaille comme représentant dans l’édition. Bertand Patin, qui termine son bachelor en commerce marketing, 27 ans, est le troisième larron. Il ne possède qu'une planche de surf, mais il a aussi l’âme d'un voyageur entrepreneur..

« Au fond de moi, j’ai toujours su que j’allais faire quelque chose de cet ordre. On se voyait assez régulièrement tous les trois pour faire du bateau. L'idée a germé autour d'un verre de whisky après une virée dans le Golfe. On s’est dit pourquoi ne pas monter une distillerie ? On a regardé ce qui se faisait dans le coin. On a d'abord pensé au whisky qui est assez tendance en Bretagne. Mais l’inconvénient, c’est le temps de maturation avant vente. Le vieillissement en fût de chêne, c’est au minimum trois ans. C’est un handicap sur le plan économique. On s’est dit qu’on pouvait faire quelque chose sur le qualitatif avec le gin qui revient à la mode » explique Bertrand Patin.

Il est vrai qu'une fois élaboré, cet alcool blanc peut être mis en bouteille et commercialisé. A la base, le gin est le produit d’une distillation de grains, auquel sont ajoutées des botaniques que l’on fait macérer un certain temps, un accord autour de la baie de genièvre et de la coriandre en majeur, le temps de faire descendre le taux d’alcool pour l’amener autour des 40°. Pour distinguer son gin des autres, le but est de caractériser sa propre recette .

Les trois membres d’équipage ont pris le temps d’élaborer la leur. « On s’est entouré de personnes qui connaissent le produit. Nous avons fait pas mal d’essais avant de trouver notre recette. Nous voulions un gin qui s’inspire du territoire breton... Pour lui donner une tonalité iodée et saline, notre choix s’est arrêté sur la criste marine, une plante vivace qui pousse ici sur le littoral (proche du fenouil) et sur la dulse algue, une algue rouge iodée qu’on trouve facilement sur les Côtes d’Armor. Pour le reste, citron mis à part, nous avons fait le choix de nous fournir le plus possible en circuit court. Le blé, la coriandre et le cassis sont achetés sur le local. » poursuit-il.

Avant cela, les associés ont bien sûr réalisé une étude de marché, ainsi qu'une étude de faisabilité. Une fois le cap principal donné, ils ont fait établir un prévisionnel avec l’aide d’un comptable et commencé à réfléchir à la structure juridique, pour finalement retenir le statut de Société par Actions Simplifiée (SAS).

 

Un nom de société est trouvé : ce sera Distillerie du Golfe et H2B pour le nom du gin. H pour Henri, 2B pour les 2 Bertrand. Un nom qui sonne breton et qui n’est pas sans rappeler le sigle BZH, abréviation de Breizh (Bretagne en breton). Quant au flacon, il reprend quelques pavillons du code international maritime  (B. Bravo, H. Hôtel et flamme numérique n°2 notamment). 

 

« C’est une étape essentielle pour pouvoir présenter notre projet, solliciter les autorisations administratives auprès des douanes, trouver un local et, plus important encore, pour convaincre les administrations » explique-t-il.

Le premier coup de pouce est donné par le Réseau Initiatives de Vannes qui leur débloque un prêt à taux zéro de 12.000€. La Fondation Michelin Développement suit en leur allouant une subvention de 1.500€. La région Bretagne accepte également de venir en soutien sur les investissements en matériel de production, à hauteur de 20% du montant des investissements. C’est un premier gage de confiance, mais le plus difficile est à venir. En effet, H2B veut faire l’acquisition d’un alambic qui coûte quand même la coquette somme de 120.000 euros. Il lui faut aussi trouver 100.000€ de plus pour financer l’achat des cuves et le matériel d’embouteillage.

« Là, on a fait tapis ! » lâche Bertrand. Comprendre, chacun a hypothéqué ce qu’il a pu. En parallèle, les associés se sont lancés dans le crowfunding en ligne, via GwenneG, une plateforme bretonne.

 

Les navigateurs connaissent ce qu'est le pot au noir. Cette fois, c'est un autre genre de pot au noir qui les attend car il s’agit cette fois d’éviter que le projet ne se retrouve encalminé.

« On a fait toutes les banques et, comme on s'y attendait, elles se sont montrées frileuses. Finalement, c’est LCL qui nous a consenti le gros prêt"  raconte Bertrand.

Ouf ! il est grand temps de hisser le pavillon de la Distillerie du Golfe et de son gin H2B…

« Nous avons commandé notre alambic "Stupfler", c’est ce qui se fait de mieux en France si l’on veut distiller en haute qualité. On espère le recevoir avant la fin de l’année » confie-t-il avec une petite pointe d'inquiétude.

 

Mais le temps presse. Alors, c’est en Charente que les trois compères sont allés distiller pour produire les 5.000 premières bouteilles.

 

« L’’intérêt était aussi de pouvoir distiller sur le même type d’alambic, ce qui nous permettait à la fois de nous familiariser à son utilisation et de bénéficier des conseils d’un professionnel expérimenté... »

La commercialisation a débuté en janvier 2017 et la moitié du stock est déjà écoulée.

« Nous avons un très bon retour de la part des cavistes, restaurants, cocktail bars et épiceries, c’est encourageant. Le principe est de vendre en circuit court, en évitant les intermédiaires de la distribution. On vise un marché qui reste national » confie Bertrand.

«Les rôles sont maintenant bien répartis. Je suis en charge des finances et de la gestion (le cambusier). L'autre Bertrand s’occupe de la partie commerciale (le courtier maritime) et Henri est chargé de la distillation (le coq). Notre objectif pour l’heure est de vendre 1.000 bouteilles par mois...».

L’année prochaine, si tout va bien, la distillation du gin H2B devrait pouvoir se faire dans l’entrepôt de la Distillerie du Golfe, sur la Z.A de Plougoumelen, à une encablure d’Auray.

« On espère alors pouvoir commencer à se payer » conclut notre cambusier.

Un fois l’affaire sur ses rails, l’alambic Stupfler pourra être utilisé pour distiller cette fois du whisky et il faudra alors trouver une recette et un nom de whisky qui ressemble à nos aventuriers. En tout cas, tel est le projet de nos trois marins.