Publié le 10/01/2018

Le burn-out : comment le reconnaître ? que faire pour l’éviter ?

Le burn-out : comment le reconnaître ? que faire pour l’éviter ?

Propos recueillis par Rémy Dreano.

 

Rencontre avec Marina Bourgeois, ex-chasseuse de tête, consultante en reconversion professionnelle et coach en épuisement professionnel. 

Marina est initiatrice des "Samedis du burn-out"

Considéré, un peu exagérément peut-être, comme le mal du siècle, le sujet du burn-out fait en tout cas couler beaucoup d’encre.

Sommes-nous au clair sur la question ? Pas si sûr… A en croire, les spécialistes, ceux qui se croient le plus à l’abri en sont souvent les premières victimes.

Pour mieux comprendre, nous nous sommes tournés vers Marina Bourgeois, fondatrice du cabinet Oser rêver sa carrière, lancé en 2015.

Confrontée dans sa vie personnelle et dans son métier à des personnes victimes de craquage, Marina a pris le temps d'affiner sa connaissance du sujet. Son secret, c’est l'écoute, beaucoup d’écoute, des heures de documentation et des formations pour permettre de mieux appréhender la complexité des facteurs de burn-out. 

Aujourd’hui, elle intervient en préventif auprès de personnes conscientes de frôler la ligne rouge, des personnes surmenées mais pas totalement épuisées, dans la période dite de « burn-in » qui précède l’effondrement. Chroniqueuse pour le webzine My Happy Job, elle est aussi à l’initiative des Samedis du burn-out, un événement mensuel gratuit destiné au décryptage du burn-out, un moment de co-construction d’outils, deux heures d’échanges qui rassemblent des salariés, des artisans, des chefs d’entreprises, des professionnels des R.H, des médecins, des psychologues, des chercheurs…

Et bien que très prise par la rédaction de son prochain livre* sur le burn-out, Marina s’est fort gentiment prêtée au jeu des questions.

 - Bonjour Marina. Quelle-est votre définition du burn-out ?

- Le burn-out est un craquage physique et mental qui résulte d’un surinvestissement dans le travail. C’est le fameux syndrome d'épuisement professionnel. Il est important de préciser que le burn-out n’est pas considéré comme une maladie dans les classifications du genre...

- Peut-on en caractériser les symptômes et notamment les signes avant-coureurs qui devraient nous mettre la puce à l’oreille ?

- Absolument ! On peut dire pour simplifier que le burn-out (effondrement) est toujours précédé d’un burn-in, une période de surchauffe plus ou moins longue à se dessiner. Le comportement de la personne commence alors à se modifier. Cela se manifeste par des troubles de l'humeur (irritabilité, cynisme, repli sur soi, crises de larmes inexpliquées, impatience, agressivité). Cet état s’accompagne généralement de troubles physiques particulièrement symptomatiques comme un mal de dos récurrent, des lumbagos et/ou migraines à répétition, insomnies, perte ou prise de poids, voire des problèmes de peau... Dans les semaines ou mois qui précèdent l'effondrement, la personne va surinvestir son travail, avec le sentiment toutefois de ne pas réussir à tout boucler. Persuadée que la clé du problème est dans le surpassement de soi, elle opte pour un rythme de travail effréné en mode "pilotage automatique". Pourtant, cette sensation d'inachèvement ne la quitte pas. La personne ne comprend plus rien, ne parvient plus à mener à bien ses tâches habituelles, elle perd en efficacité. Il faut bien comprendre que les signes annonciateurs ne se manifestent pas forcément d’un coup. En fait, ils surviennent progressivement, sournoisement…C’est ce qui explique que la plupart des personnes concernées ne voient rien venir...

- A quel moment prend-on conscience que l’on est en plein burn-out ? 

- La phase d'effondrement, de "craquage," survient le plus souvent après plusieurs semaines, voire des mois de symptômes insidieux. Le stress chronique a fini par épuiser la batterie mentale, émotionnelle et physique de sa victime. Certaines personnes s'en rendent compte à temps et vont d'elles-mêmes ou, sur les conseils de leurs proches, consulter et commencer par se faire prescrire un arrêt de travail. Pour d'autres, hélas ! c’est parfois plus violent. J’ai en mémoire le cas d’une cliente. Un matin, plus rien, elle ne pouvait plus se lever, impossible de marcher... Elle a fait venir son médecin-traitant qui, suspectant une sclérose en plaques, lui a prescrit des examens médicaux poussés. Ses symptômes étaient en effet analogues à ceux d'une SEP. En réalité, les symptômes du burn-out se confondent parfois avec d’autres pathologies, d’où l’importance de consulter sans attendre…

- Peut-on dire du burn-out qu’il est la maladie moderne du surinvestissement dans le travail ou est-ce la résultante d’un mal-être personnel diffus doublé d'un mal-être professionnel imputable à une surcharge de travail persistante ?

- Vous soulevez là toute la complexité du burn-out dont les causes sont multifactorielles. Les causes peuvent être aussi bien professionnelles, surinvestissement réclamé ou implicitement suggéré par exemple ou, à l’inverse, placardisation et donc ennui (on parle dans ce cas de « bore-out ») que personnelles (valeur travail très forte, problèmes personnels entraînant un surinvestissement au travail…). Dans tous les cas, le burn-out ne pourra être caractérisé que s’il est en lien avec les conditions de travail...

- Certaines personnes sont-elles plus prédisposées que d’autres ? 

- Avec le recul, il est possible aujourd'hui de dresser une sorte de "portrait-robot" ; une femme endurante, hyper-investie dans son travail, consciencieuse, très rigoureuse, pour ne pas dire perfectionniste. Elle est souvent issue d’une famille pour qui la valeur travail est placée en haut de l’échelle. Ce profil vaut bien sûr pour les hommes, même s'ils sont moins concernés. Contrairement aux idées reçues selon lesquelles la personne qui craquerait professionnellement serait fragile, voire faible, la personne en burn-out est plutôt solide, montrant une force de travail supérieure à la moyenne. Nous disons souvent ironiquement, lors des Samedis du Burn-Out (#SBO), qu'il s'agit de la maladie des gens bons. C'est tout à fait ça... De plus, prendre un arrêt de travail n’est pas dans leur logiciel. Or, une personne qui met tous ses oeufs dans le même panier et qui surinvestit la case "travail" est une personne à haut risque. Et c’est valable pour un patron. Mais attention ! si le burn-out peut entraîner une dépression, l'inverse n'est pas vrai…."

- Ce portrait robot est édifiant en effet. Quid des hommes ? Sont-ils plus sujets au déni ?

- Nous recevons certes plus de femmes au cabinet, mais cela ne veut pas dire que les hommes sont plus forts et qu'ils n'ont pas besoin d'aide. Avec les femmes, on gratte, on gratte et on finit par redéfinir un équilibre de vie. Les hommes sont beaucoup plus réticents à se confier et ils ont tendance à vivre la période de manière plus isolée, à prendre sur eux. Les conséquences sont aussi plus sévères, avec des cas de suicides plus élevés, c'est du moins ce qui disent les statistiques... L’autre phénomène inquiétant, c’est l’augmentation des cas de burn-out chez les plus jeunes. Comme ils n’ont pas eu le temps de vivre des expériences positives leur permettant de relativiser, leur foi en l’avenir est sévèrement mise à l'épreuve..."

- Que préconisez-vous en matière de prévention ?

- La meilleure prévention consiste incontestablement en un bon équilibre de vie : ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, ne pas tout donner à son travail jusqu’à l'oubli de soi. L’oubli de soi est d’ailleurs le dénominateur commun de tous les épuisé(e)s. Pendant de nombreuses semaines, voire des années, ils (elles) se sont oublié(e)s (annulation des rendez-vous médicaux, repli sur soi, isolement social, abandon des activités "plaisir/loisir"). Il est indispensable de créer du souffle dans sa vie, d'avoir des moments à soi et/ou en famille ou entre amis, de façon à maintenir une vie sociale et à conserver des activités extra-professionnelles. Trouver l'hygiène de vie convenant à son écologie personnelle est fondamental : trouver des activités, aussi infimes soient-elles, qui sont sources de plaisir et de distraction... Ne jamais les négliger, même en période de "rush" est un bon garde-fou. Autrement dit, remettre le travail à sa juste place en en faisant une composante de sa vie et non pas toute sa vie..."

- A ce titre, nos voisins s’étonnent de voir les salariés français s’attarder sur leur lieu de travail. On sait aussi que certaines organisations fixent à leurs salariés des objectifs impossibles… Peut-on parler de responsabilité partagée ?

- Il s'agit bien sûr d'une responsabilité individuelle mais également sociétale. J’entends souvent dire « je me sentais coupable dès que je partais avant 19h » Il est clair qu’une personne qui n’a pas une vie équilibrée ou qui a été éduquée selon des valeurs travail très fortes aura une tendance naturelle à surinvestir son travail et à s’exposer à un risque d’épuisement. Je ne dis pas qu’elle est fautive ou que son employeur l’est. Etablir la part de responsabilité de l’entreprise et celle de l’individu n’est pas chose facile. On sait que la course aux résultats, les injonctions contradictoires, la culpabilisation en termes de présentéisme, les environnements toxiques sont des facteurs déclenchant. C’est pourquoi, il est important que les entreprises, les DRH et les managers fassent leur examen de conscience et montrent eux-mêmes l’exemple. A ce titre, je pourrais citer le cas tout récent d’un employeur qui a demandé l’extraction d’un salarié qui faisait des malaises à répétition. Il suspectait à juste titre un burn-out. Comme on le voit, le management est capable d'agir en prévention. A l'heure où les entreprises parlent de plus en plus de bonheur au travail, il est largement temps de restaurer le lien de confiance. Confiance et sens sont les deux éléments souvent perdus en chemin chez les personnes victimes de burn-out. Replacer ces deux notions au centre du management et des préoccupations organisationnelles est encore le meilleur moyen de prévenir les craquages. Il ne faut pas oublier que le burn-out, dans sa composante dépressive, peut conduire à de véritables drames...

- Votre centre propose également des bilans de compétences. Est-ce le bon moment pour une personne victime d’un burn-out ?

- Le bilan de compétences est certes un outil fabuleux pour faire le point... mais, selon moi, il n’a d’intérêt qu'en période de consolidation, autrement dit, lorsque la personne va mieux. Le bilan de compétences suppose un fort engagement de soi, une énergie dont ne dispose plus la personne victime d’un craquage. Il est donc préférable de ne l’amorcer qu’une fois l’énergie revenue.

Merci beaucoup Marina pour cet éclairage fort utile.

 

* Ouvrage à paraître en janvier 2018 sous le titre « Burn-out : mieux le (me) comprendre et en sortir » 

Oser Rêver sa Carrière

3, rue Mazagran 75010 Paris

http://www.oser-rever-sa-carriere.com