Publié le 29/08/2019

Pénurie de soignants, déserts médicaux... quelles solutions ?

Pénurie de soignants, déserts médicaux... quelles solutions ?

Par Rémy Dreano.

 

La 2ème journée de la Rencontre des entrepreneurs de France, (ex Université d'été du MEDEF) a débuté par une intervention soulignant les carences en personnel soignant qui, comme on le sait, est loin d'être une spécialité franco-française.

Il manquerait en effet 12 millions de soignants dans le monde. Quid des solutions, quid des remèdes ?

La France connaissant une pénurie de vocations sur le métier d'aide-soignant, il y a tout lieu de s'inquiéter pour demain d'autant que les IFAS ne font plus le plein et que le nombre d'admis au concours chute dangereusement (-25%). 

Rien qu'aux urgences hospitalières, il faudrait près de 10.000 aide-soignants, infirmiers, brancardiers pour remettre les effectifs à niveau. Dans les services, la charge de travail s'intensifie, le personnel est à bout et une partie des urgentistes est toujours en grève.

Dans les EHPAD, la situation ne fait qu'empirer. Du fait du sous-effectif quasi chronique, les personnels sont physiquement et psychologiquement marqués. Même problème au Pays-Bas où plus de 25% du personnel des maisons de retraite se dit insatisfait des soins prodigués. En cause, le manque de personnel, le manque de temps pour faire correctement son travail et le manque de formation adaptée aux pathologies du grand âge. Outre les facteurs de risque liés au métier d'aide-soignant (troubles musculo-squelettiques notamment), on constate une hausse inexorable des cas de burn-out et même de suicide. Un mal qui frappe aussi les médecins qui se disent assez souvent isolés face aux risques psychosociaux. Même problème au Canada où les risques juridiques et la détention d'armes à feu sont présentés comme facteurs aggravants.

Chez nous, la problématique du manque de médecins généralistes et spécialistes est régulièrement évoquée dans la presse. La difficulté des études, le climat de tension à l'hôpital et dans les cabinets, les agressions physiques et verbales, la course à l'acte, sont de nature à décourager les vocations. Du fait des départs en retraite, le nombre de généralistes a d'ailleurs commencé à baisser et la désertification médicale s'étend et pas seulement aux territoires les plus reculés.

Les municipalités tentent d'endiguer le phénomène en passant des annonces dans la presse étrangère. Les médecins néerlandais sont sur le pont mais il faut aussi leur laisser le temps de se familiariser avec notre langue. Quant aux spécialistes (ophtalmologistes, gynécologues, dentistes, pédiatres...), ils manquent aussi dans bon nombre de zones rurales délaissées, les délais d'attente pour un rendez-vous de consultation s'allongeant dangereusement. Si le numérus clausus a été relevé, on a sans doute trop tardé à réagir.

 En attendant une relève qui ne vient pas, plusieurs pistes ont été ouvertes. Concernant la médecine de ville et de campagne, on sait que les coûts d'installation pèsent sur le chiffre d'affaires, à Paris et à Lyon notamment. En vogue, le partage de locaux qui permet de mutualiser les coûts (accueil, secrétariat, loyer, équipements). L'Etat mise aujourd'hui sur le développement des Maisons de santé (MSP, MSR, MMG...). Il est question de doubler d'ici à 2022 le nombre de Maisons pluridisciplinaires de santé (MSP). En tout cas, c'est le voeu d'Agnès Buzyn qui souhaite développer la télémédecine. A ce titre, plusieurs pharmacies parisiennes expérimentent actuellement les espaces permettant de consulter un médecin par vidéotransmission. Des opérateurs comme Leah care ou Hellocare surfent sur la tendance en proposant des solutions innovantes pour permettre de téléconsulter en ligne ou chez soi, par visioconférence.

 

Pour résoudre la pénurie de personnels soignants, le chantier est plus lourd. La population française vivant plus longtemps, le défi est immense sachant les coûts faramineux que la prise en charge de la dépendance va engendrer dans les prochaines années. Face au manque de personnel et aux dépenses considérables de la dépendance, il faut sortir des incantations et inventer de nouvelles solutions. 

 

 

On peut miser par exemple sur les robots d'assistance à domicile et en EHPAD. Au Japon, pays déjà confronté au vieillissement de sa population, on a anticipé sur la robotique de soin comme alternative à une augmentation concomitante des effectifs soignants. De plus, le pays est par nature rétif à l'apport de main d'oeuvre étrangère.

Une technologie chère, mais pour lever un patient, le sortir du bain et réduire les troubles musculo-squelettiques des soignants, tout est bon à prendre. On y expérimente aussi les robots livreurs de médicament.

Chez nous, la tendance est aujourd'hui de permettre aux personnes âgées de se maintenir chez soi plus longtemps. On sait que l'isolement n'arrange rien. Les établissements pour personnes âgées et ou dépendantes faisant de moins en moins recette, on voit se développer des alternatives à la maison de retraite. Permettre de rompre l'isolement est à la base des différents concepts proposés (projet Appart'Âge de Domitys, Maison Felippa, projet Chamarel...).

De ces nouveaux besoins, nouveaux concepts, naîtront sans doute de nouveaux métiers, de nouveaux contextes de travail, moins exposés au désenchantement.

Puisqu'augmenter sans cesse le nombre de soignants dans le contexte que l'on connait est une équation intenable, surtout face au vieillissement de la population, il est urgent d'inventer de nouveaux lieux et de nouvelles formes de prise en charge. Pourquoi ne pas explorer d'autres pistes comme celle qui concerne la durée du travail des personnels travaillant auprès de personnes âgées dépendantes souffrant de troubles mentaux. Il faudra aussi mieux prendre en compte la gestion des carrières médicales et para-médicales. Un changement de cap et de mentalité qui concerne aussi les patients. Si la fréquentation des urgences hospitalières explose, ce n'est pas seulement un problème lié à l'indisponibilité de son médecin traitant. Eviter de consulter pour un rhume ou limiter le recours au scanner pour des pathologies qui tiennent plus de la bobologie est un premier pas. Vaste chantier quand même....

C'est le prix à payer pour faire renaître les vocations et mieux faire face au défi de la prise en charge des malades et des personnes âgées dépendantes.