Publié le 10/04/2020

Impact Covid-19 : Petit écho des filières n° 4 (10/04/2020)

Impact Covid-19 : Petit écho des filières n° 4 (10/04/2020)

Par Rémy Dreano.

 

Depuis le début de la crise sanitaire, le Guide des ressources emploi s’efforce de relayer les situations secteur par secteur, au fil de l’eau, en fonction des informations disponibles (à trouver en rubrique Actualité Éco de nos fiches).

Les situations ne sont pas uniformes. Si les entreprises ont nettement réduit la voilure et/ou mis leurs salariés en télétravail, certaines sont restées sur le pont qui continuent même de recruter (logistique, transport, énergies, agriculture, agroalimentaire, santé, sanitaire et social…). D’autres se préparent déjà à la sortie de confinement (cabinets d’expertise-comptable, Tech, startups du numérique…). 

Voici, un nouvel état des lieux que nous espérons le plus fidèle possible à la réalité du moment. La France est au ralenti… pas à l’arrêt.

Pour ce « Petit écho des filières n°4 », voici les secteurs traités :

• Social - Économie Sociale et Solidaire (ESS)
• Arts graphiques - Design - Communication visuelle
• Packaging - Industries du papier et du carton
• Industrie horlogère
• Bien être - Thermal - Thalasso - Spa
• Micro-électronique - Robotique
• Événementiel
• Métiers de l'entreprise : Ressources Humaines - recrutement - RPS
• Transports sanitaires - ambulanciers
• Énergies fossiles : Oil & Gas - Nucléaire
• Industrie pharmaceutique - Cosmétique - Arômes et Parfums

Social - Économie Sociale et Solidaire (ESS)


Le secteur de l’ESS étant diversifié, les situations ne sont pas homogènes. 70% du secteur associatif serait particulièrement affecté par la crise sanitaire. La plupart des associations ont en fait cessé l’activité depuis l’entrée en vigueur du confinement, mais certaines restent actives (secteur de la solidarité notamment). C’est beaucoup dire que le télétravail est une solution pour celles qui ont été contraintes de fermer leurs portes. Les salariés des associations étant éligibles au chômage partiel, le choix est vite fait. Les CRESS sondent actuellement le terrain pour évaluer l’impact de la crise sanitaire. Il s’agit d’obtenir des mesures exceptionnelles de soutien pour leur permettre de faire face à la situation actuelle. C’est un des secteurs qui a le plus perdre si la crise s’éternise, car les réserves de trésorerie des entreprises de l’ESS sont souvent maigres. Le groupe SOS a lancé un appel aux travailleurs sociaux pour leur venir en aide (travail bénévole ou rémunéré suivant la mission).

Arts graphiques- Design - Communication visuelle

Le confinement permet certes de faire avancer certains travaux et projets, mais ce n’est pas non plus une option pour une activité économique déjà précaire et fragile, notamment pour ceux qui l’exercent en indépendant. Selon un premier sondage réalisé par France Alliance Design, 99% des professionnels du design s’attendent à une baisse importante de leur chiffre d’affaires en 2020. Les studios qui emploient des salariés les ont mis en chômage partiel dans les premiers jours du confinement qui n’excluent pas de recourir à des licenciements. Car la crise sanitaire entraîne l’annulation de certaines commandes et tout n’est pas seulement reporté. On s’évade comme on peut. Chez certains, l’esprit créatif turbine à fond, d’autres sont au contraire accablés et dépités. Ainsi, Bérangère, une jeune designer textile, également ingénieure textile, propose sur son site des outils et patrons à télécharger pour confectionner son masque en tissu. Comme, on le voit, les créatifs ne sont jamais à court d’idée, mais il ne faudrait pas que la crise sanitaire s'éternise.

Packaging - Industrie du papier et du carton

Les papetiers sont actuellement sur le pont, notamment pour approvisionner l’industrie pharmaceutique et les fabricants de masques médicaux, sans compter les produits de consommation courante. Ainsi, la Papeterie du Bourray (Comptoir Général des Matières Premières/CGMP) à Saint-Mars-la-Brière (72) s’active en ce moment pour fournir Kolmi-Hopen, un fabricant angevin de masques médicaux. CGMP avait repris à la barre, l’année dernière, cette ancienne usine propriété d’Arjowiggins. Bien lui en a pris, puisqu'elle tourne actuellement à plein régime. Si l’on se fie à cette déclaration récente d’Emmanuel Macron à l’occasion d’une visite dans une usine de fabrication de masques « notre priorité est de produire davantage en France et en Europe » l’industrie papetière française devrait connaître des jours meilleurs. Du côté des imprimeries de labeur, en revanche, la situation est plus contrastée. Certains travaillent à huit clos et ont mis en place des mesures de chômage partiel, d’autres ont maintenus leurs sites ouverts, en instaurant des mesures de protection, en fonction de leurs possibilités.

Industrie horlogère

La production est quasiment à l’arrêt. Aux événements pro-démocratie de Hong Kong a fait suite l’épidémie de Covid-19. Les grandes maisons horlogères, suisses en premier, sont inquiètes, plus des conséquences économiques que de la crise sanitaire elle-même qui impacte leur quotidien. Les plus pessimistes prédisent la faillite d’une cinquantaine de sociétés horlogères. S’il n’y a pas unanimité sur les conséquences de la crise sur la santé future des entreprises, un consensus se dégage en revanche sur la nécessité de revoir le business model et sur la manière de s’ouvrir à une nouvelle clientèle (jeune notamment) en leur donnant envie d’acheter des montres. Les salons qui se tiennent habituellement en avril sont tous reportés ou annulés. Les salons spécialisés grand luxe seraient moins adaptés à la situation de demain. 

Bien-être - Thermal - Thalassocraties - Spa

Les établissements thermaux et de thalassothérapie ont reçu une note de la Direction générale de la santé recommandant leur fermeture en raison de la pandémie de Covid-19. Il s'agit de protéger les populations âgées et/ou fragilisées par certaines pathologies chroniques et qui sont plus exposés à l'épidémie. Ainsi, au fil des informations leur parvenant, les Thermes de Bourbon-Lancy ont par deux fois reporté l’ouverture jusqu’à nouvel ordre. De son côté, la Chaîne Thermale du Soleil propose à ses curistes de reporter leur séjour au 15 juin prochain. De nombreux établissements de thalasso ont procédé à l’arrêt total de leur activité et placé leur personnel en chômage partiel. Ces mesures exceptionnelles ont bien sûr un impact immédiat sur l’économie des entreprises déjà fragilisées au sortir des grèves de décembre/ janvier, sans compter la crise des gilets jaunes qui a duré presque une année. Les professionnels redoutent aussi l'après confinement, craignant que leurs clients ne soient marqués par la crise sanitaire et fassent défaut, du moins cette année.

Micro-électronique - Robotique

Les entreprises tournent au ralenti, mais certaines s’adaptent au contexte du moment. De son côté, STMicroelectronics a choisi de réduire ses effectifs de production de moitié sur ses sites de Rousset, Grenoble, Rennes, Tours et Crolles. Mettre la production à l’arrêt complet est un risque que peu de chefs d’entreprise peuvent se permettre de prendre, malgré le risque sanitaire, car il faut aussi préserver l’outil industriel face la concurrence, d'autant de certains pays commencent à déconfiner. La continuité des activités industrielles et de R&D est essentielle pour préserver la compétitivité de la filière électronique dont dépendent aussi nombre de secteurs industriels dit essentiels.

On note aussi que la crise sanitaire souligne l’apport de la robotique de service. Ainsi, la Chine a acheté une centaine de robots de décontamination à une société danoise, UVD Robots. En France, Shark Robotics (Aytré 17) qui conçoit des robots destinés à éloigner l’homme du risque (pompiers, armées) a reconverti l’un de ses robots pulvérisateurs pour permettre de décontaminer des surfaces dans les centres commerciaux et hôpitaux. On a parlé aussi des robots humanoïdes de SoftBank Robotics utilisés en milieu hospitalier pour soulager les soignants et vu à la télévision les drones utilisés par la gendarmerie pour faire respecter le confinement sur le littoral.

Événementiel

Conséquence de l'épidémie de coronavirus et des mesures du stade 3, l'activité de l'événementiel est à l'arrêt ou presque. Si l’activité était repartie à la hausse depuis deux ans (+8% en 2018), des signaux faibles comme la désaffection des salons automobiles européens (Francfort, Paris) montrent que rien n'est acquis. La crise sanitaire actuelle n'avait bien sûr pas été prévue et elle pourrait mettre en péril des milliers d'entreprises pour qui, l'annulation d'un événement est toujours une catastrophe. Plus de la moitié des événements du printemps ont été annulés, les autres ont été repoussés. Ainsi, les salons professionnels ont été le plus souvent repoussés à fin juin ou septembre. Il faudra un plan de soutien. A n'en pas douter, 2020 sera une année noire pour l'événementiel et pour sa chaine de sous-traitance.

Métiers de l'entreprise :  Ressources humaines - Recrutement - RPS

Les RH doivent prendre leurs responsabilités. C'est dans ces moments-là que l'on juge de leur efficacité. Il faut prendre des décisions rapides pour, d'une part, protéger les salariés de la contamination (mesures barrière, gel hydroalcoolique) et, d'autre part, prendre les mesures nécessaires pour préserver l'entreprise (télétravail, chômage partiel) et assurer la poursuite de l'activité lorsque possible. Il faut dans l'urgence définir des procédures pour coordonner les personnels en télétravail. Une urgence qui impose parfois de mettre en place une cellule de crise, il y a tellement de choses à faire en même temps... Il faut aussi communiquer en interne, expliquer, rassurer et s'occuper le cas échéant des dossiers de chômage partiel, gérer la paie. Les gestionnaires de paie sont donc sur le pont. On prévoit les roulements de personnel, on organise des réunions en visioconférence. Il s'agit de résoudre les problèmes rapidement sans céder à la panique. Dans l'industrie, le transport-logistique, l'agroalimentaire, la distribution, plus qu'ailleurs, les spécialistes de la RPS sont à l'oeuvre. Il faut analyser la situation, mettre en place des réunions, pour aussi rassurer et éviter que ne s'installe la psychose. Quant à l'activité recrutement, elle n'est pas à l'arrêt mais on est plutôt autour de moins 60 à 70 % de l’activité concentrée sur les secteurs que nous évoquons dans ces petits échos (agroalimentaire, logistique). Concernant les hauts cadres, les recrutements sont moins au ralenti. Peu de nouvelles missions pour les cabinets. L'intérim est au quasiment au point mort.

Transports sanitaires - Ambulanciers

Les ambulanciers sont plus que jamais sur le pont. Pourtant, n’étant pas répertoriés comme personnels de santé, ils ne sont pas prioritaires dans la répartition des masques réquisitionnés par l’État. La Chambre Syndicale alerte sur les risques que les ambulanciers ne deviennent les premiers vecteurs de contamination. La crise sanitaire permettra peut-être de revaloriser la profession aux yeux des pouvoirs publics et des demandeurs d'emploi qui la connaissent mal. Déjà, l'année dernière à la même époque, des sociétés d’ambulance du Loir-et-Cher avaient fait part de leurs difficultés de recrutement. Cet appel à l'aide avait donné lieu à la mise en place d'une formation (Parcours Emploi Compétences) sur le département pour 20 demandeurs d'emploi. En tout cas, depuis trois semaines, les offres d’emploi sont plus nombreuses que d’habitude. Il est vrai qu'après chaque transport d'un patient grippé, il faut systématiquement désinfecter le véhicule et le matériel et les transports se font à deux, voire plus. Mais tout n'est pas si simple pour autant, car les habitudes sont perturbées. Si les sociétés d'ambulances sont globalement mobilisées pour transporter les patients touchés par le virus, la clientèle habituelle n'est plus là, les rendez-vous hospitaliers non urgents étant reportés. On fera bien sûr les comptes plus tard...

Energies fossiles - Oil & Gas - Nucléaire

Le secteur des énergies n’est pas concerné par les mesures de confinement. Il ne doit pas y avoir de rupture dans le chaine de livraison. Toutefois, chez EDF par exemple, 40% des salariés manquent à l’appel, dont certains « mis au vert » par leur direction elle-même. Le secteur pétrolier n'est pas tranquille, car la pandémie intervient sur fond de crise économique et de tensions entre les pays producteurs. L'arrêt de la production industrielle en Chine sur trois mois, l'usine du monde qui fonctionne au ralenti et la restriction des bateaux dans les ports ont fait plonger la demande mondiale. La crise sanitaire est certes un problème de plus, mais tout le monde, ou presque, s'accorde à dire que la demande de pétrole sera à nouveau là et plus forte que jamais, d'ici quelques semaines voire quelques petits mois, au plus. Le marché était déjà nerveux avant et la crise sanitaire apaisera peut-être les tensions internationales. Quant au secteur du nucléaire, on peut dire qu'il est plus habitué que d'autres aux situations de crise (Fukushima). EDF et Orano ont d'ailleurs créé des structures de réponses urgentes en cas de crise, couvrant tous les corps de métiers (fabrication, ingénierie, logistique, communication..). Chez ce dernier, les personnels des fonctions support sont pour la plupart confinés et/ou en télétravail (10% vient encore au bureau). Les transports de matières radioactives sont assurés, les quantités acheminées sont moindres aussi. Pas de gros problèmes dans les centrales non plus, les installations étant prévues pour fonctionner au besoin avec 30 à 50% des effectifs. Le quotidien Ouest France a toutefois évoqué le mécontentement du Syndicat Sud d'Orano La Hague quant aux mesures de chômage partiel touchant des postes liés à la sécurité. Le problème viendrait aussi des entreprises de sous-traitance qui doivent assurer les nombreuses opérations de maintenance et de sécurité dans des conditions plus dégradées depuis l'arrivée de la pandémie. Pour l'heure, les chantiers de démantèlement sont à l'arrêt.

Industrie pharmaceutique - Cosmétique - Arômes et Parfums

L’épidémie du Covid-19 n’entraîne pas de facto la fermeture des usines de production. L'industrie pharmaceutique est pleinement engagée dans la lutte contre le Covid-19 et certaines entreprises du médicament le sont plus que d'autres qui se sont lancées dans la course contre la montre pour mettre au point des solutions thérapeutiques. Si on ne peut nier l'existence d'une concurrence, féroce parfois, l'heure est quand même à la coordination des efforts. Une partie du personnel, pharmaciens et médecins, a été mise à disposition de la Réserve sanitaire. Une possible complication en vue concerne les essais cliniques en cours perturbés par le confinement (difficultés à suivre et à recruter des nouveaux patients). L'industrie cosmétique et certes beaucoup moins concernée, mais elle se met au service de la cause. Ainsi, l’usine Dior de Saint-Jean-de-Braye et celle de Guerlain de Chartres reconvertissent leur production pour produire du gel hydroalcoolique à destination des hôpitaux publics. D’autres comme Hermès, Givenchy, Guerlain font de même. De son côté, le groupe L'Occitane a décidé de réaffecter une partie de ses installations en France, afin de fabriquer aussi du gel hydroalcoolique. Pour autant, on n’ouvre qu’avec parcimonie les lignes de production et il faut tout de même mettre une bonne partie des salariés en chômage partiel par précaution.