Publié le 29/09/2022

Derrière le succès des bilans de compétences : ce qu'il faut savoir

Derrière le succès des bilans de compétences : ce qu'il faut savoir

Par Rémy Dreano.

 

Selon la Caisse des dépôts, les bilans de compétences réalisés au titre du CPF (Compte Personnel de Formation) sont en nette augmentation. De 33.000 en 2019, on est passé à 85.000 en 2021. On prévoyait même 100.000 en 2022. 

La Loi "Avenir Professionnel" de 2018 qui promeut les dispositifs flexibles comme le CPF (Compte Personnel de Formation) a singulièrement chamboulé le paysage des bilans de compétences. Hier encadré par la loi de 1991, tant sur la durée de la prestation que sur la qualification des prestataires, le marché a considérablement évolué. Les CIBC, acteurs historiques, n’avaient certes pas le monopole du bilan de compétences, mais ils en captaient une bonne part. Les prestataires, qui avaient l’habitude de fonctionner sur référencement dans un marché réglementé et régulé, se retrouvent désormais concurrencés par de nouveaux "trublions". Il n’y a plus de chasse gardée. Pour beaucoup d'historiques, une jungle s'est installée avec des prestataires plus ou moins fantaisistes, une situation aggravée par la monétisation du CPF et la plateforme MonCompteFormation. 

Depuis, la demande de bilan de compétences s'est singulièrement accrue. La crise sanitaire a même amplifié le phénomène. Burn-out, bore-out, désenchantement, désalignement, crise managériale, distorsion avec les valeurs affichées, salaires qui décrochent, tout cela stimule les demandes de reconversion. 

Pas étonnant donc que ce marché de l’intermédiation professionnelle suscite des appétits. Le nombre de prestataires dispensant des bilans de compétences aurait plus que doublé, sinon triplé ces dernières années. Pourtant, rien ne dit que cette flambée de bilan de compétences soit durable.

 

D’ailleurs, selon Sandrine Beaulieu, responsable du centre de bilan de compétences Acerola Online, la rentrée 2022 serait plutôt morose. 

« Il est trop tôt pour parler d’une baisse de la demande. Elle est sans doute diluée par l’explosion du nombre de cabinets positionnés sur cette prestation. On voit bien que ceux qui profitent le plus de la demande sont ceux qui ont les plus gros budgets marketing. Ils font beaucoup de publicité avec des offres qui paraissent alléchantes au premier coup d’œil. Ils tirent les prix vers le bas. Les clients ont du mal à distinguer une prestation de qualité d’une prestation sans valeur ajoutée. Attention ! La qualification Qualiopi n’est pas une garantie en soi, n’importe qui peut l'acheter"  prévient-elle. 

 

Certains consultants indépendants sont tentés par les solutions de portage Qualiopi. C’est peut-être ce qui explique la montée en puissance des travailleurs indépendants sous statut micro-entrepreneur ou en portage salarial dans ce secteur. Des profils similaires, plus souvent des cadres salariés reconvertis dans l’accompagnement des transitions professionnelles, des coachs certifiés qui ont suivi une formation complémentaire en gestion de carrière. Si la priorité d’hier allait au recrutement de diplômés en psychologie, il semble que ce soit de moins en moins le cas.  

 

Pour Sandrine Beaulieu, le coach en gestion de carrière est aujourd’hui plus adapté que le psychologue du travail au bilan de compétences tel qu’il a évolué. 

« Nous recrutons essentiellement des coachs certifiés, des gens qui ont déjà travaillé dans le bilan (3 à 4 ans d’expérience). Ils ont souvent choisi ce métier après une première partie de carrière dans un autre métier. Certains ont suivi un DU ou un DESU spécialisé en complément. Les outils du coaching me paraissent plus adaptés à la gestion de projets professionnels et à l’accompagnement vers le changement. Je suis moi-même psychologue du travail, mais je n’embauche pas de psychologues du travail, je préfère embaucher des coachs» 

 

Dans un article éclairant* publié en 2019 sur OpenEdition journals, Aurélie Gonnet, chercheuse au CNAM, soulève un coin du voile. Si les consultants se défendent d'être des "passeurs de tests", le temps consacré à faire passer des batteries de tests, à analyser les compétences, à faire des retours et à les traduire dans un portefeuille de compétences serait encore dominant. En faire trop pourrait traduire une limite méthodologique, une difficulté à passer à la dernière étape : le projet. C'est du moins ce que l'on peut déduire de son analyse, tirée de ses rencontres avec des professionnels du bilan.

 

Pour Sandrine Beaulieu, ce ne sont pas les compétences à interpréter et à restituer les résultats de tests qui lèvent les obstacles et qui permettent de franchir les barrières pour une évolution professionnelle réussie, mais plutôt la capacité à accompagner dans un processus de changement. Si les tests psychotechniques sont des outils indispensables à une connaissance objective de ses caractéristiques personnelles et de ses compétences, tout comme les outils d’information et de documentation, il revient au consultant de tisser l'écheveau de tout ce travail pour mettre le projet sur de bons rails.

 

A côté de cela, on note une accélération des prestations 100% en ligne. La concurrence sur les prix, la crise sanitaire et les périodes de confinement ont joué tel un accélérateur de tendance. Les cabinets investissent dans des solutions digitales à forte valeur ajoutée pour permettre de se différencier et de proposer plusieurs grilles tarifaires, avec des prix variant de de 950€ à 2.950€, la médiane se situant autour de 1.650€. Mais tout cela ne vaut qu’avec un puissant travail de structuration et d’organisation en amont. 

 

 

De son côté, le Cabinet Acerola Online propose sa propre plateforme digitale, avec un point d’accès unique à tous les outils et documents nécessaires à la prestation et un outil de visio intégré pour les entretiens avec le consultant. 

"Nos bénéficiaires profitent de données fiables et à jour sur les métiers, les formations et les entreprises. L’utilisation d’une telle application web rend le travail personnel de préparation des séances plus ludique et plus rapide. Par exemple, l’élaboration du portefeuille de compétences est en partie automatisée par un système de matching entre les postes occupés et le ROME, un gain appréciable pour cette partie du bilan de compétences souvent jugée rébarbative et pourtant essentielle à la réussite d’un projet de reconversion ou d’évolution professionnelle. Cette plateforme permet de passer facilement de la définition des objectifs de carrière à la mise en œuvre d’une recherche d’emploi car on y trouve toutes les offres d’emploi du net grâce à l’outil Google for job. Les candidatures s’enregistrent dans un tableau de bord et le CV est mis en forme automatiquement. Le temps de travail en autonomie prévu au programme ne doit jamais excéder le temps d'entretien avec le consultant, le cœur du bilan résidant dans les échanges, la digitalisation n’est qu’un plus " précise Sandrine.

 

Le bilan de compétences reste et restera un puissant outil de reconversion. Choisir le bon prestataire n'est pas anodin. Le Fongecif recommandait jadis de sélectionner trois prestataires, de s'attacher à l'expérience des consultants et à leur aptitude à expliciter la méthodologie mise en oeuvre. Il faut aussi s'intéresser aux outils utilisés, au mode de restitution des résultats et au temps passé en face à face, en présentiel et/ou à distance. Cette recommandation est toujours d'actualité.

 

Nota bene : Si le CPF est maintenant connu des salariés, il existe d’autres sources de financement ou de co-financement pour celles ou ceux qui envisagent d'effectuer un bilan de compétences prochainement. Ainsi, il existe des prises en charge pour les personnes en CSP (Contrat de sécurisation professionnelle). Les travailleurs indépendants peuvent s'adresser à leur OPCO. L'employeur peut aussi contribuer à sa manière, mais le bilan de compétences est rarement à son initiative. A noter qu'il est possible de réaliser un bilan de compétences pendant un arrêt maladie. Il faut alors l’accord de son médecin et celui du médecin-conseil de la CPAM.

*"Des motivations au travail. Fabrique et usages du bilan de compétences comme dispositif de revalorisation individuelle" (cf Paragraphes. 43 et 44)