Publié le 08/02/2023

Interview / Réforme de la VAE : des décrets d’application très attendus

Interview / Réforme de la VAE : des décrets d’application très attendus

Par Dominique Perez.

Ouvrir à tous un accès simplifié à la VAE, sans passer par les arcanes d’un parcours administratif complexe et en étant accompagné, tel est l’esprit de la loi Marché du travail, promulguée le 21 décembre 2022, à la suite d’une première expérimentation. Financement, préparation des jurys de validation, profils des «architectes de parcours» chargés de suivre individuellement chaque candidat… Bien des sujets restent sur la table, avant la généralisation du dispositif. Explications d’Olivier Gérard, chef de projet chargé de ces expérimentations intitulées «REva» (services de la Première Ministre).

 

Vous avez, en mars 2022, rendu un rapport à Elisabeth Borne, alors ministre du travail dressant le bilan d’une première expérimentation d’une VAE nouvelle formule pour 146 demandeurs d’emploi. Pourquoi une deuxième expérimentation, alors que la loi a été votée ?

La première expérimentation a révélé une réduction des abandons des deux tiers des candidats en cours de parcours, c’est à dire deux fois moins que dans le parcours «classique», et identifié que 75 % des personnes ont constaté une évolution positive après leur parcours (ayant retrouvé du travail, et/ou étant mieux rémunérés qu’auparavant…). Près de 70 % ont obtenu une validation totale de leur certification, ce qui est équivalent aux taux nationaux. Le tout en une durée moyenne de 4 à 6 mois, contre seize mois pour le parcours «classique». La deuxième expérimentation, qui a commencé en septembre et qui court jusqu’en juin 2023, concerne 3500 personnes avec une clef d’entrée unique, quel que soit le parcours du candidat. Nous avons souhaité que l’expérimentation se poursuive à plus grande échelle pour confirmer principalement deux éléments : que l’étape de recevabilité telle qu’elle est actuellement conçue, concrétisée par le remplissage du fameux «Cerfa», très complexe, n’a aucune valeur ajoutée pour le candidat.

On doit pouvoir miser sur l’accompagnement, dès l’amont de l’inscription dans le dispositif, avant même l’étape de recevabilité. Lors de l’expérimentation, chaque personne est accompagnée par un «architecte de parcours», mission que l’on souhaite encore renforcer. Son rôle est de vérifier que la personne a fait le bon choix de diplôme, d’analyser les compétences acquises, à acquérir ou à renforcer, et enfin à proposer un parcours modulaire adapté à chaque individu, intégrant accompagnements individuels et collectifs et formations complémentaires, en hybridation, pour accéder à la certification. La deuxième expérimentation, qui a commencé en septembre 2022 et se terminera en juin 2023, prévoit un accès pour tous, quel que soit son statut, demandeur d’emploi, salarié, bénévole d’association… Les premiers éléments issus de la première expérimentation ont ainsi semblé suffisant pour «poser les bases» du texte de loi. Ce qui est fondamental est que l’on a «sorti» la VAE du code de l’éducation pour l’inscrire dans le code du travail, et qu’elle devient un outil à disposition des partenaires sociaux.

 

Pour le moment, l’expérimentation est menée dans des secteurs fortement pénuriques en main d’œuvre et sur des premiers niveaux de qualification et est financée par le PIC (Plan d’investissement dans les compétences). Or, la loi vise à une universalité de l’accès à la VAE…

Il s’agit de créer un véritable service public de la VAE, avec un financement unique pour le candidat, accessible à tous. La première expérimentation concernait les métiers du care, (métiers du grand âge, certifications d’Assistant de vie sociale (AVS), d’Accompagnant éducatif et social (AES).) La seconde est élargie, mais s’est focalisée également des métiers en tension de main d’œuvre, sur des premiers niveaux de qualification. A terme, cet accès devra concerner tout le monde. Le texte sera, à l’issue de la seconde expérimentation, enrichi par des décrets d’application, qui devraient paraître avant l’été 2023. Donc sur les questions du financement (voir l’infographie) de l’organisation des jurys, sur la définition précise des architectes de parcours, la façon dont ce nouveau service public de la VAE Il faut attendre les résultats de l’expérimentation et des négociations avec les conseils régionaux, les partenaires sociaux, l’État pour connaître la manière dont tout cela va se structurer.

La question des jurys, qui doit être précisée dans un amendement à venir, est l’un points les plus «épineux» à résoudre ?

Aujourd’hui, les jurys de validation se réunissent pour statuer diplôme par diplôme, et non par niveau, ce qui est défavorable aux candidats. Les délais de réponse sont de quelques semaines pour les plus «agiles» à plus d’un an pour d’autres. C’est un vrai sujet de transformation publique. Les ministères certificateurs vont être assez bousculés, on doit «disrupter» sur cette question. Il va falloir être le plus innovant possible, sans dénaturer le diplôme. Et penser notamment au financement de ces jurys, qui n’a pas été acté à ce jour.